© Jean Louis CHATELAIN - Annecy le vieux, jeudi 16 octobre 1997
    Résumé
   
Les vols sous les hautes latitudes géomagnétiques offrent la possibilité d'observer les aurores polaires.
Le vol AFR 081 de San Francisco à Paris du 12 décembre 1996, qui est ici relaté, a survolé durablement, de part en part, la trace au sol de l'ovale boréal.
Le phénomène auroral trouve son origine dans la physique des relations soleil-terre.
La manifestation lumineuse du phénomène prend la forme de deux ovales excentrés autour des pôles géomagnétiques.
L’activité solaire est surveillée et l’ampleur du phénomène auroral est prévisible.
     
     
    Introduction
   

Le petit Prince de Saint-Exupéry, lors de son voyage interplanétaire, rencontrait l'allumeur de réverbères.
Il y a quelque chose de cette rencontre pour le Pilote à qui il est donné de contempler une aurore polaire.
Le métier de Pilote de Ligne offre en effet une position d'observateur privilégié de ce phénomène luminescent.
J'ai pris l'habitude, depuis quelques années, de noter sur mon calepin de vol les événements remarquables, en particulier les aurores boréales.

Il en est de rares, comme cette aurore visible en région parisienne le 8 Novembre 1991. Je rentrais alors en A310 de Tunis sur Orly et le phénomène est apparu lors de la descente. Il y eut quelques étonnements, exprimés de vive voix sur la fréquence du contrôle.... On le comprend.
Auparavant, j'avais déjà observé une aurore à une latitude inhabituelle. C'était lors d'un vol de Düsseldorf vers Berlin, sur l'A320 F-GFKB "Ville de Rome", le 13 Mars 1989. Le phénomène m'avait particulièrement interloqué, d'autant qu'alors, nous étions toujours soumis aux contraintes du vol à basse altitude, dans le corridor aérien desservant Berlin... La guerre froide n'était pas finie, et qui, alors, eut cru qu'un an après le mur allait "s'écrouler" !
Je n'avais pas encore imaginé, ni appris, que l'on put voir des aurores sous de basses latitudes.

Or il s'avère que cette aurore exceptionnelle a été vue, au sol, depuis la Picardie, la Normandie, l’Orléanais, et le Berry. Elle a également été vue au-dessus de l'horizon depuis la mer des Caraïbes (latitude géomagnétique ~ 25 à 30°). Elle a été associée à un orage magnétique qui est classé comme le plus important depuis 1868. (Cf. L'article de J-P Legrand in "l'astronomie" de janvier 1990)

Pour autant, il est vrai que la zone d'observation "immanquable" des aurores polaires se trouve sous les hautes latitudes géomagnétiques.

L'observation du phénomène auroral, sous ces hautes latitudes, par nuit de nouvelle lune, est en effet certaine. Seule son intensité sera aléatoire... Encore que nous ne soyons pas démunis de moyens pour sa prévision. Nous en reparlerons plus loin.

En 29 ans de carrière, j'ai eu le plaisir de survoler ces régions de nombreuses fois, sur divers types de machines, allant du B707 à l'A340, en passant par le B747 et l'A310.

Ce fut toujours un émerveillement.

Je n'avais qu'une vague idée du phénomène. Les publications Françaises en la matière ne figurent guère, hélas, dans les catalogues des libraires. En fouinant dans une librairie américaine je suis tombé sur un ouvrage édité par l'Université de l'Alaska à Fairbanks. Mais c'est le hasard (ou tout son contraire?), qui m'a fait rencontrer un spécialiste Français de l'aurore boréale. Alors que je me mettais en quête des publications pertinentes, à la bibliothèque de la météo nationale, boulevard Rapp, j'ai eu la chance et l'honneur de faire la connaissance de M. J-P Legrand, physicien, aujourd'hui retraité.

Cet ancien chercheur au CNRS s'est intéressé notamment à la climatologie, ce qui expliquait sa présence en cette bibliothèque (l'un de ses "hobbies" actuels est de rechercher et de restaurer les vieux instruments de physique).

Mais, pour ce qui nous intéresse ici, il a travaillé sur la physique des relations soleil-terre, et il a étudié le phénomène auroral. En particulier, il a effectué des recherches historiques concernant les observations qui en ont été faites.

De celles-ci il ressort qu'au XVIIIe siècle, le Français Jean-Jacques Dortous de Mairan, dans son "traité physique et historique de l'aurore boréale", eut, le premier, l'intuition remarquable de l'existence du vent solaire en mettant en évidence une relation entre certains phénomènes solaires (intensité de la lumière zodiacale et taches solaires) et l'apparition d'aurores. Il en conclut que les aurores étaient produites par l'apport de matière solaire dans les hautes couches de l'atmosphère.
(Cf. J-P Legrand in "comptes-rendus de l'académie des sciences" septembre-octobre 1985)

La compréhension des phénomènes auroraux s'est grandement améliorée depuis une quarantaine d'années, précisément depuis les premières missions des satellites "explorer", ces missions ayant débuté en 1958.

Après le récit d'un vol au cours duquel l'observation du phénomène était particulièrement exemplaire, nous donnerons quelques éléments de physique des relations soleil-terre, puis nous aborderons la question de la prévisibilité du phénomène ; nous terminerons par un aperçu socio-historique du phénomène auroral.

     
     
     
   
Observations faites sur le vol AFR 081 de San Francisco vers Paris, le 12 décembre 1996
     
   
Rendez-vous avait été pris avec le phénomène.

En effet au mois d'octobre 1996, j'avais demandé ce vol, ainsi que le permet notre procédure de desiderata au courrier; j'avais choisi cette période qui était propice, d'une part, car le solstice d'hiver était proche, et d'autre part nous étions en période de nouvelle lune.

C'était alors profiter d'une longue nuit d'hiver et d'un éclairement minimum.

La chance a voulu que la météo soit avec nous pour le choix de la route.

En effet les vents en altitude étaient relativement atypiques. Un retour d'Est assez marqué sur l'atlantique Nord, vers les latitudes 50°, et, à l'inverse, des vents d'Ouest inhabituellement forts (100 kts) au-dessus du détroit du Danemark et de l'Islande, ont déterminé une route de temps minimum beaucoup plus septentrionale qu'à l'accoutumée.

En fait cette route correspondait à une route proche de celles que nous empruntons habituellement sur le vol "aller" vers San Fransisco, de jour.

Nous avons décollé de l'aéroport international de San Fransisco à 00:32 UTC, et, très tôt après, a eu lieu le coucher apparent du soleil, peu après le survol du VOR de Mustang (c'est-à-dire à Reno, dans le Nevada).

Il était 1:00 UTC et nous sommes alors rapidement entrés dans la nuit d’hiver.

Nous avons fait route en direction de Great Falls dans l'état du Montana, puis avons survolé le Canada, passant légèrement à l'est de Calgary (province de l'Alberta).
   
   
 
Notre route, située au nord de l'orthodromie, traversait ensuite les provinces du Saskatchewan, du Manitoba, et rejoignait la baie d'Hudson au-dessus de la base de Churchill. Elle quittait ensuite le continent nord-américain sur la terre de Baffin, au nord d'Iqualuit (anciennement Frobisher), puis rejoignait le Groenland près du fjord de Sondeströem, et, après un survol de l'Islande, atterrissait sur les côtes d'Europe vers l'archipel des îles Hébrides. C'est dire que nous allions passer, selon toute vraisemblance, à l'intérieur de la trace au sol de l'ovale auroral. Nous étions, comme prévu, établis en croisière à 37000 ft, et au-dessus de la couche de nuages, la tropopause se trouvant, dans ces régions, durablement plus basse. Mon appareil photo était prêt, nous commencions alors à deviner la lueur aurorale, très basse sur l'horizon, à gisement zéro, c'est-à-dire de part et d'autre de l'azimut 040°. Il était environ 02:30 UTC, et la position était proche du VOR de YYN. Vers 3:10 , aux environs du 54 N / 100 W l'aurore, quoique basse sur l'horizon, était très visible, aux environs de l'azimut 030* vrai. Je commençais alors une série de photos dont je vous propose deux exemplaires :
 
     
    Vers 4:00, dans les environs de Churchill, nous commencions à passer sous l'ovale, l'arc auroral étant alors observé de l'horizon gauche à l'horizon droit, en passant par une hauteur proche du zénith.
 
     
   
 
     
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